Un peu de lecture ...
Salut, je tente ici de reposter une nouvelle que j'ai rapidement écrite pour le Discord. C'est un travail d'amateur sans prétention, mais si ça plait au gens je reposterai plus fréquemment ces petits textes sur le site. N'hésitez pas à rager et à me dire où j'ai fait des fautes d'orthographe, ou là où j'ai laissé trainer une coquille, je ne peux pas corriger.
La bise, et bonne lecture.
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Les minutes, qui semblaient être des heures, étiraient un retard que Léo avait cessé d’observer ; trop obnubilé par son angoisse qui enflait. Les mains moites, il manipulait frénétiquement son téléphone portable à court de batterie. Il gardait cependant son casque audio, condamné au silence, afin de s’isoler de l’ambiance oppressante qui régnait dans la pièce. Autour de lui, des regards - tantôt inquiets, tantôt exaspéré par l’attente insupportable - balayaient la salle baignée dans la pénombre chaude du soleil couchant. Il préférait ne pas les voir, et fixait désespérément le parquet sous ses pieds, qui gigotaient nerveusement.
L’écho de son nom l’extirpa de ses pensées, alors que la dentiste l’appelait d’un ton las. Elle l’enjoignait sans entrain à entrer dans la salle de toutes les tortures. Lorsqu’elle le reconnut, son regard changea cependant du tout au tout : effaçant une profonde indifférence pour y montrer alors une franche animosité. Elle se figea un instant, les yeux écarquillés, le teint rouge, une veine battait sur son front, puis elle le laissa finalement entrer. Elle claqua la porte derrière elle.
« Qu’est-ce que vous foutez encore là ! cria-t-elle, pleine de rage.
- Je vous en supplie … Il faut m’aider ! Elle continue de pousser … Elle pousse encore, et encore, je la sens … répondit Léo, qui soudain fixait le mur d’un regard vide.
- Vous n’avez rien ! Vous m’entendez ? RIEN ! Alors maintenant, arrêtez de venir, et allez voir un psy, je ne peux plus rien pour vous aider. »
Une larme coulait sur la joue de Léo alors qu’il sortait de sa poche un petit fragment d’émail noir. « Je l’ai retiré ce matin d’un morceau de chewing-gum … répondait-il d’un ton suppliant. Je vous en prie vérifiez, une dernière fois, je vous promets de ne plus vous embêter après … Mais vérifiez, je vous en prie, je vais devenir fou … »
Un silence emplit alors la pièce, alors que la dentiste toisait son patient ainsi que le fragment noirâtre. Léo ne put soutenir le regard bien longtemps et préféra regarder le bout de dent. Il le dévisageait profondément, d’un air aussi inquiétant qu’inquiet. « Bon assaillez-vous, répondit-elle dans un soupir. Mais promettez-moi, si cette fois je ne trouve rien, vous irez voir un psy d’accord ? Je m’inquiète véritablement pour vous …
- C’est promis, merci ! merci infiniment … »
Une fois sur le fauteuil, et celui-ci mis en position allongée, Léo ouvrit grand la bouche et laissa le bourreau faire son œuvre. Il sentit alors un flot de soulagement parcourir son corps, comme si son âme elle-même s’y réincarnait. L’angoisse, la peine, la douleur psychique qui l’asseyait, tout s’évanouissait alors que la douleur physique pénétrait sa bouche. Il ne put contrôler un rictus de profonde béatitude et un frisson de plaisir. Plus puissant que le plaisir, l’espoir, l’espoir que cette fois-ci on trouverait de quels maux il était accablé ! Oui c’était l’espoir qui emplissait tout son être. Enfin il serait libéré de cet enfer ! Enfin on trouverait le responsable ! Et dans un ultime coup de pince, on l’arracherait pour que plus jamais, il ne puisse le tourmenter.
Les instruments encore dans la bouche, il tenta de marmonner un ‘merci encore’ difficilement articulé, alors que la dentiste le regardait tristement. « Il n’y a rien Monsieur … ». Le visage de Léo se figea d’angoisse. « Mais ce n’est pas possible ! Et ce fragment que je vous ai montré ! Il doit y avoir quelque chose … Je ne suis pas fou, je vous en supplie ! Ne me laissez pas tomber !
- Non, j’ai bien regardé, j’ai inspecté chaque recoin de votre bouche, au point de réverser chacune de vos gencives, ce qui devait horriblement vous faire souffrir ... La dernière fois, j’ai même réalisé une imagerie de votre denture pour tenter d’objectiver quelque chose. Vous n’avez rien … Rien du tout … Je ne sais pas d’où vous sortez ces fragments, ni de quoi ils peuvent être faits, mais par pitié, sortez de mon cabinet. Et faites-vous aider … »
Léo se leva, blême, et sans un mot, sortit de chez sa dentiste. Il devait s’y résoudre. Peut-être tout cela n’était que le résultat de son imagination … Peut-être avait-il par un quelconque mauvais sort, altéré son esprit au point de ne plus pouvoir distinguer le vrai du faux … L’angoisse qui gravitait autour de ses dents. La fuite qu’il avait menée toutes ces années … Peut-être que la confrontation avec cette peur était-elle devenue trop rude pour son esprit fragilisé par l’anxiété … Et lorsqu’il avait décidé de s’occuper de ces problèmes, peut être que quelque chose s’était brisé en lui … Peut-être était-il même devenu addict de cette prise en charge, au point que son esprit inventait des symptômes fantasques …
Alors qu’il tentait de se persuader d’aller consulter le soir même aux urgences psychiatriques, il arrivait devant la porte de son immeuble. Machinalement, il sortit ses clés, ouvrit la porte, poussa la porte de son appartement, et s’avachit sur le canapé du salon après avoir mollement claqué la porte derrière lui. Il éclata alors de rire. Un rire fou, les yeux grands ouverts, les mains crispées sur son abdomen, sans même reprendre sa respiration. Après avoir manqué de suffoquer, il porta sa main à sa bouche, et en sorti un fragment de dent. Ricanant cette fois-ci plus doucement, parfois traversé d’un frisson d’angoisse, il fit voler le fragment dans l’angle de la pièce. Le fragment percuta le mûr, et roula, roula, et roula encore, pour atteindre le pied d’un monticule de fragments identiques.
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