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Certains pays du Sud, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine, reçoivent une part importante des déchets exportés par les pays occidentaux. Ces flux concernent surtout les textiles, les déchets électroniques, les plastiques et parfois les métaux. Ils proviennent du fait que les pays industrialisés produisent bien plus qu’ils ne peuvent consommer ou recycler. On estime par exemple que l’Occident produit entre trois et cinq fois plus de vêtements qu’il n’en porte réellement, et près de dix fois plus de déchets plastiques que ses infrastructures de recyclage ne peuvent en traiter.
En Afrique, le Ghana, le Kenya, le Bénin et la Côte d’Ivoire reçoivent chaque année plusieurs centaines de milliers de tonnes de textiles et de déchets électroniques. Au Ghana, environ 160 000 tonnes de vêtements usagés arrivent chaque année, soit l’équivalent de 15 millions de pièces par semaine. Près de la moitié sont inutilisables et finissent brûlées ou abandonnées dans les rivières et les décharges à ciel ouvert, polluant durablement les sols et les eaux. Le Nigeria reçoit aussi des milliers de tonnes de déchets électroniques, notamment des ordinateurs et des téléphones importés d’Europe, souvent irréparables.
En Asie, l’Inde importe de grandes quantités de plastiques, de vêtements usagés et d’appareils électroniques pour les recycler dans des ateliers informels, sans protection sanitaire adéquate. Le Bangladesh, le Pakistan, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et le Vietnam reçoivent eux aussi des cargaisons massives de plastiques et de métaux destinés à un recyclage bon marché. Avant 2018, la Chine absorbait près de la moitié des déchets plastiques du monde, mais l’interdiction des importations décidée cette année-là a déplacé ces flux vers d’autres pays asiatiques moins réglementés.
En Amérique latine, le Mexique et le Chili reçoivent également d’importants volumes de textiles et de déchets électroniques venus des États-Unis et d’Europe.
Ces pays ne refusent pas ou ne peuvent pas refuser ces importations pour plusieurs raisons. Elles représentent une source de revenus et d’emplois pour des milliers de personnes qui vivent du tri, de la revente ou du recyclage. Les gouvernements y voient souvent une manière d’obtenir des matières premières à bas coût, et manquent de moyens techniques ou juridiques pour contrôler efficacement les cargaisons. De plus, la dépendance économique à l’égard des pays industrialisés et la pression exercée par les accords commerciaux limitent leur capacité à s’y opposer.
Cette situation met en lumière une contradiction profonde : les pays occidentaux, qui se présentent comme modèles en matière d’écologie, externalisent une grande partie de leurs déchets vers le Sud. En théorie, ils prônent le recyclage et la responsabilité environnementale ; en pratique, ils exportent les coûts de leur surconsommation. Traiter les déchets localement de manière écologique serait plus coûteux, car cela nécessite des infrastructures avancées, des réglementations strictes et un changement profond des habitudes de production et de consommation. Plutôt que de réduire la production à la source, beaucoup préfèrent exporter le problème, donnant ainsi une image verte tout en maintenant un modèle économique basé sur la surproduction et le gaspillage.
En résumé, le monde occidental produit bien au-delà de ses besoins réels — trois, cinq ou dix fois trop selon les secteurs — et transfère une partie de cette charge environnementale aux pays du Sud, qui la supportent souvent au prix de leur santé, de leurs ressources naturelles et de leur environnement.

Envoyé par Flaneur Aujourd'hui à 10h00

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