Le plus « gros » mouvement socialiste aux USA ressemble beaucoup à LFI

Aux États-Unis, un mouvement politique connaît depuis les années 1980 une existence organisée : le Democratic Socialists of America, ou DSA, fondé en 1982 par la fusion de plusieurs groupes socialistes démocratiques. Pendant longtemps, il est resté marginal, limité à quelques militants universitaires et intellectuels. Mais à partir de 2016, avec l’émergence de Bernie Sanders lors de la campagne présidentielle, le DSA prend une ampleur nationale, séduisant massivement la jeunesse et redonnant au mot “socialisme” un sens positif et crédible.
En France, La France insoumise, ou LFI, a été créée en 2016, elle aussi pour rassembler une gauche radicale autour d’un programme socialiste, écologiste et anti-élites. Comme le DSA, LFI attire en priorité les jeunes et cherche à transformer le vocabulaire politique et l’imaginaire social de sa génération.
Le DSA et LFI partagent une vision proche du monde : critique du capitalisme financier, défense des services publics, lutte contre les inégalités et soutien aux Palestiniens. Dans les deux pays, ces mouvements se présentent comme la voix des citoyens face aux élites et tentent de redonner un sens politique à des mots naguère discrédités, comme “socialisme”.
Bernie Sanders joue dans le DSA un rôle comparable à celui de Jean‑Luc Mélenchon : leader charismatique capable de mobiliser la jeunesse et de faire du socialisme démocratique un programme crédible aux yeux du grand public. Son discours direct, critique du système et tourné vers les valeurs de justice sociale, a ouvert la voie à toute une génération de militants et d’élus issus du DSA.
Rashida Tlaib, d’origine palestinienne, remplit un rôle comparable à celui de Rima Hassan ou de certaines figures LFI : elle défend avec courage la cause palestinienne et prend des positions fortes sur les droits des minorités, en dépit des critiques et accusations dont elle fait l’objet. Son action illustre la manière dont le DSA produit des figures publiques à la fois militantes et symboliques, capables de représenter des combats sociétaux majeurs.
“The Squad”, groupe de jeunes élues progressistes issues du DSA ou en lien avec ses idées — Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Ayanna Pressley, Cori Bush et Jamaal Bowman — incarne le rôle des figures médiatiques et militantes de LFI telles que Manon Aubry ou Clémentine Autain : jeunes, visibles, capables de mobiliser la jeunesse et de porter un message radical mais inclusif. Zohran Mamdani, élu new-yorkais, joue un rôle comparable à celui d’Aurélien Taché ou Danièle Obono : intellectuel et élu, il articule une vision politique décoloniale et progressiste dans les institutions. Cori Bush, militante antiraciste et issue du mouvement Black Lives Matter, reflète la fonction de Danièle Obono ou Rachel Keke, défendant les luttes sociales et raciales avec force. Enfin, Bhaskar Sunkara, fondateur du magazine Jacobin, est l’équivalent de François Ruffin pour l’influence intellectuelle et médiatique, façonnant les idées et la culture militante autour du socialisme démocratique.
Comme LFI, le DSA et The Squad sont régulièrement confrontés à des polémiques. Leur soutien à la Palestine et leurs critiques d’Israël suscitent des accusations d’antisémitisme instrumentalisées par leurs opposants. Ils sont également critiqués pour leur radicalité, leur style direct et leur rapport parfois tendu aux compromis politiques. Ces polémiques reflètent le miroir parfait de ce que vivent certaines figures de LFI dans le débat français.
Le DSA attire particulièrement la jeunesse : dès 2016, avec Sanders, son audience se concentre sur les 18‑30 ans, et en 2025 près de la moitié des jeunes de cette tranche d’âge ont une opinion positive du socialisme démocratique. LFI a connu un succès similaire dès 2017-2018 auprès des jeunes Français. Le DSA et LFI ont ainsi réussi à redonner au socialisme un sens positif et moderne, centré sur la diversité, l’égalité, l’écologie et la justice sociale. Sur les campus, dans les syndicats étudiants ou les mouvements écologistes, l’influence du DSA est déjà massive.
La principale différence structurelle reste que LFI est un parti politique autonome, capable de présenter ses candidats et de former un groupe parlementaire, tandis que le DSA agit à l’intérieur du Parti démocrate, limité par le système bipartite américain. Malgré cette contrainte, les figures du DSA — Bernie Sanders, The Squad, Zohran Mamdani, Rashida Tlaib — sont devenues des icônes culturelles et politiques, capables d’influencer la jeunesse et de faire évoluer le débat national.
Le DSA est à l’Amérique ce que LFI est à la France : un mouvement de rupture structuré autour de figures charismatiques qui incarnent des rôles comparables, redonnant au socialisme son sens premier. Ils n’ont pas encore le pouvoir institutionnel total, mais ils ont déjà changé le vocabulaire, les références et l’horizon politique d’une génération, prouvant que ce sont d’abord les idées et les personnalités qui façonnent l’avenir avant les élections.

Envoyé par Flaneur Hier à 19h02