Ce soir dans 7 à 8 / complément d'enquête / 66 minutes / etc
Lily Dale est un texte de John Antoine Nau,
qui reçut le Goncourt en 1903.
Lily Dale
Lily, fûtes-vous une barmaid poétique,
Dans un vieux bar de l’Est, bleu de fumée,
Où l’ivrognerie était douce et romantique,
Où les loups de mer et des gamins pâles vous aimaient ?
Eûtes-vous un chignon blond, comme poudré d’or,
Des yeux d’un bleu de cobœa
Ou de matin printanier de l’extrême Nord ? –
Sous le grèbe de brume argentée du boa
Votre col fut-il une aurore sur la neige ?
Versiez-vous avec de gentils manèges,
(Le petit doigt envolé comme une colombe,
Une lueur filtrant sous vos paupières longues,
La taille coquettement penchée)
Les gins corrosifs et les torrides whiskies,
Laves que votre geste magique épanchait
Plus fraîches que les sources des Alleghanies,
Glacialement bleues, si haut cachées,
En de mystérieuses coupes de granit ?
« Dignement » tendre avec tous, étiez-vous plus tendre
Pour un craintif Jack ou Jim aux yeux suppliants
Qui vous rêva fée des bois roses de Novembre
Ou des lacs de lunaire opale miroitante –
– Et mourut de vous et vous fit mourir,
Haineux de la vraie femme pour tous enivrante ?
Sous les sombres pacaniers qui se mirent
Dans l’eau vitreuse des bayous margés de huttes,
Lily, étiez-vous la négrillonne du Sud,
D’un noir luisant, presque doré de tant reluire,
Soleil noir avec un soleil blanc pour sourire ?
Étiez-vous la petite proie traquée, forcée
Par de vieux chasseurs blancs obscènes et velus,
L’animal favori cajolé, puis battu,
L’excitante poupée bientôt brisée
Qu’on enfouit un soir, pauvre chose fluette,
Près d’un marais de jade où chantaient les rainettes
Sous la lune qui grimaçait ?
N’auriez-vous été, ô Lily, ombre plaintive
Qu’un sujet de chromo insane,
L’atroce « fi-iancée » consomptive et poncive
Du « contrebandier » ou du « jeune clergyman » ?
..... Non, l’air qui vous pleure est trop sauvagement triste,
Trop sincèrement naïves sont les paroles ;
Et que votre joue fût noire, florale ou bise,
Pour moi vous aurez été âcrement exquise
Et je sens que votre âme, dans les brises molles,
S’envola quand vous mourûtes, comme s’envole
L’encens de l’iris des Prairies vers les étoiles.
Envoyé par manousche Aujourd'hui à 08h23
Mabritte Vermisseau
Ced Lombrik
rendu Lombric
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