Offerus et la hâche sacrée. 2
Le soleil commençait à réchauffer doucement l'atmosphère. Offerus avait d'abord mis un peu de temps à retrouver la trace de Tomteub, puis il avait repéré ce motif récurrent dans la disposition des feuilles mortes, ces branchettes mortes qui gisaient le côté pourri en l'air. Mais le givre qui avait recouvert le sol durant la nuit ne l'aidait pas, et plusieurs fois il avait dû revenir sur ces pas jusqu'à la dernière trace, repartir en cercles concentriques. Le fuyard ne suivait pas une ligne droite. Il évitait les zones creuses, où l'humidité du sol aurait pu garder l'empreinte de ses pas. D'un côté cela compliquait sa tâche, d'un autre côté il connaissait maintenant ses habitudes de dissimulation, et savait où chercher quand il devait repartir de sa dernière trace. Il était arrivé à la grotte relativement rapidement, et à partir de là tout avait été plus simple. L'autre avait quitté celle-ci sans même effacer ses traces grossières. Il s'était remis en marche l'esprit léger. Tout allait enfin se terminer ...
La période de confinement s'était étirée sans qu'il en ressente vraiment la réalité. En retraite dans un monastère de la fraternité Saint-Pie X, il n'en avait appris la mise en place qu'une semaine après, au cours de l'heure d'échange oral hebdomadaire. Durant l'heure d'autorisation de l'utilisation des téléphones et ordinateurs qui suivait, il avait appelé ses parents, tout allait bien, tout le monde était en bonne santé, grâce à Dieu.
Il avait continué ainsi pendant deux mois à recommander ses proches et son âme à Dieu, et plus intensément que prévu le sort de la France, et de tous les croisés qui la défendait. Il était ressorti de cette retraite deux fois plus longue que prévu plein d'énergie et de détermination. Il était rentré chez lui à la capitale des Gaules, après une messe d'action de grâce à Notre-Dame de Fourvières pour remercier le Très-Saint et la Vierge d'avoir protégé la France et ses chrétiens de la pandémie. Un petit tour sur LLB lui avait permis de voir que cette tâche de Tomteub avait déblatéré sur son dos pendant deux mois. Il avait brièvement éprouvé un sentiment de pitié, plus que de colère. Et il avait vaqué à ses occupations.
Il était passé à la Traboule déjeuner avec des compagnons, boxer un peu à l'Agogé, avait repris le cours de sa vie habituelle.
Et les troubles avaient éclaté. Les dissensions étaient réapparues dans le mouvement. Ceux qui, déjà pendant le mouvement des gilets-jaunes, pensaient qu'il fallait s'investir dans ce mouvement et provoquer une révolution nationale et nationaliste, se confrontaient avec ceux qui pensaient que la révolution nationale devait se faire par la prise du pouvoir institutionnel, ou du moins dans les institutions. Les réunions étaient houleuses, et on avait frôlé plusieurs fois l'affrontement et la scission.
Mais ils n'étaient pas des gauchistes, et l'ordre et la discipline avaient conduit tout le monde à se ranger à la ligne majoritaire : il fallait aider la police à maintenir l'ordre et à combattre les rouges, les islamistes, qui voulaient profiter de ce moment pour déstabiliser la République Française, honnie, mais en attendant garante d'une certaine notion de respect du drapeau. D'abord combattre les ennemis, ensuite, forts de leur écrasement, construire la résurrection nationale. L'Histoire le montrait : c'était dans les crises que se jouait l'avenir, et leur heure d'y entrer, en rang et disciplinés, était peut-être arrivée. Ils portaient en tout cas la responsabilité de faire se réaliser leurs idéaux et de les imprimer sur les pages qui s'écrivaient à l'instant.
Pendant plusieurs semaines, ils avaient
épaulé les BAC de Lyon, de Saint-Etienne. Ses compagnons qui y
travaillaient pourvoyaient en brassard et matériel, et leurs
supérieurs, quand ils n'étaient pas eux-mêmes des nationalistes
militants, fermaient les yeux, trop heureux de ses renforts qui leur
permettaient d'accomplir leur mission de maintien de l'ordre, et de sauver la république des communistes et autres gauchistes.
Une nuit, alors qu'il s'était écroulé après une journée d'émeute particulièrement intense, Sainte-Geneviève lui était apparue. Elle lui avait révélé sa mission. La France était en danger, et l'instrument de son Salut se trouvait entre les mains de ses ennemis. La Francisque, qui avait menée Clovis au combat, qui avait fait triompher la Foi dans le coeur des Francs et en Europe, devait être récupérée.
Et elle s'était évaporée.
Il avait repris pleinement ses esprits, à genoux devant son lit. Avait-il rêvé ? Non, il connaissait ses rêves, leurs thèmes habituels, son ressenti dans ces moments. Cela n'avait rien à voir. Il était pleinement serein, avait un souvenir précis de chaque instant de cette révélation.
Il s'absorba dans la prière, remerciant le Seigneur et Sainte-Geneviève de lui confier cette mission, et demanda à tous les Saints-Patrons de la France de le guider dans sa quête. Alors que le jour se levait, tout devint clair pour lui : la Francisque. La Francisque qu'il avait vu sur LLB. Qu' Oblivionnis avait forgée. Cela ne pouvait être que ça. Tout son corps le lui disait.
Il s'était connecté. Et avait compris le message divin. Tomteub avait gagné le concours. La Francisque lui revenait.
Il était allé sur le discord, avait contacté Oblivionnis. Non, il ne pouvait pas revenir là-dessus. De toutes façons le colis était déjà parti. Non, il ne lui donnerait pas l'adresse de Tomteub, il n'avait qu'à le contacter s'il voulait la récupérer.
Il s'était pris la tête, s'était trituré les méninges. Puis avait appelé un compagnon. Pour traquer un comploteur anarchiste particulièrement important lui avait-il dit. Il n'était pas si loin de sa vérité.
Ils n'avaient pas réussi à hacker la messagerie du discord pour avoir l'adresse de Tomteub, mais ils avaient réussi à récupérer son adresse IP physique. En région parisienne.
Le lendemain matin, à 5h, avec des compagnons parisiens, il enfonçait lui-même la porte de l'appartement où ils avaient localisé Tomteub.
Il avait soudain quitté ses pensées. Les traces s'arrêtaient. En un piétinement. Devant une rivière.
tomteub Vermisseau
J'hésite à vous proposer des options, vu que vous en avez déjà choisi une lors de l'épisode précédent, ça serait trop facile d'orienter ou de désorienter Offerus. Mais ça peut être aussi une part du récit. Si ce commentaire est positif, l'option choisie dans les sous-commentaires s'appliquera. Sinon, je n'en tiendrai pas compte.
Option 1 : Offerus repère les traces de pas qui vont jusqu'au lit de la rivière. Un grand classique des fuyards se sachant traqués. Tomteub est fatigué, il n'a pas mangé ce matin, le bout de cuisse d'âne charogné la veille n'était pas cuit, et il n'y avait aucun déchet de nourriture, pas d'écorce ni d'épluchure, rien. Il a du coup sûrement descendu le courant.
Option 2 : Offerus comprend vite que les traces jusqu'au bord de l'eau ne sont qu'un leurre. Par ce froid, marcher dans la rivière et son eau glacée serait suicidaire. Logiquement, Tomteub a dû chercher un moyen de traverser à pied sec. En remontant le courant, pour trouver un endroit ou le lit se rétrécit.
lebaud07
sandrine65100
0vermind Lombric
Machiavel Vermisseau